Sortez les mouchoirs, je vous montre comment apprivoiser cette émotion.
Bonjour les applaudicœurs,
Vous savez, cette personne à qui on demande de gérer la musique en soirée ? Bah c’est PAS DU TOUT MOI. Je plombe l’ambiance à chaque fois : j’écoute quasiment que des trucs tristes.
Mais mon rapport avec la tristesse n’a pas toujours été apaisé. Jusqu’à… cette année. Qui a été une des plus tristes de ma vie. Et, bizarrement, aussi une des plus vivifiantes.
Alors suivez-moi, c’est parti pour la vida trista.
Quand j’étais petit, la principale phrase que j’entendais quand j’exprimais une émotion était « roooh arrête de geindre ». Alors. En 3 mots : non, non, non. Baaaad parenting. Pourquoi ? Parce qu’une émotion c’est (1) une sensation corporelle (2) traduite en comportement (3) exprimé en mots.
Si on empêche quelqu’un d’être traversé par cette vie naturelle de l’émotion, on la verrouille en lui. Ce qu’on n’exprime pas s’imprime en nous. Autant vous dire qu’arrivé à l’adolescence, j’étais plus imprimé que Gutenberg.
Heureusement, c’est là que j’ai commencé la musique. Une LIBÉRATION. J’ai découvert un endroit où je pouvais enfin déposer ce que je retenais depuis des années, par loyauté à l’interdit familial, et qui s’était ancré en moi.
Dont. Une. Immense. Tristesse.
J’ai donc pu offrir une « sortie » à ces émotions qui tournaient sans but. Mais surtout, j’ai découvert en ma tristesse une alliée pour créer quelque chose de plus grand que moi : toucher les gens.
Paradoxalement, ce que je taisais le plus en moi était devenu le meilleur moyen de me connecter aux autres.
À partir de là, je n’ai eu qu’un seul but avec la musique : aider le public à ressentir. Je voyais la musique comme un moyen d’élargir l’espace pour que chacun puisse y vivre ces émotions qu’il pensait jusque-là « trop ». Il n’y a plus de trop quand l’espace pour l’accueillir est vaste.
J’ai fait ça pendant quelques années, et ça m’a aidé…
…en partie.
Parce que personne ne me tenait l’espace, à moi.
Il ne s’est créé qu’il y a 2 ans, en formation d’hypnose.
Fin 2022, je me suis spécialisé dans une méthode d’hypnose enseignée par un psychologue qui s’appelle Stephen Gilligan. Gilligan a apporté une dimension particulière à la discipline, celle de champ. Contrairement à ce qui m’avait été enseigné avant, où il y a le·la thérapeute d’un côté et l’accompagné·e de l’autre, Gilligan a rajouté ce truc qui me semblait bien mystérieux : l’espace de la relation.
La formation passait, mais j’arrivais pas à comprendre ce concept. Et lors de l’avant-dernier jour, j’ai été tiré au sort pour une démonstration avec lui. Gilligan m’a demandé ce que je voulais travailler, je lui ai dit que je voulais être en contact avec ma joie.
On a plongé ensemble en hypnose. Et p*tain là j’ai compris cette histoire de champ.
Gilligan avait une telle présence, une présence qui disait « tu peux y aller, je saurai tenir l’espace pour tout ce que tu présentes de toi », que j’ai pu lâcher le surplus d’émotions que la musique ne m’avait pas permis d’exprimer. Et, quand il a senti que j’étais prêt, il m’a dit quelque chose qui me restera à vie : « Tellement de joie. Et tellement de tristesse. »
J’ai pas parlé. J’ai pas crié. J’ai juste pleuré.
Calmement, profondément. Des larmes du fin fond du réservoir, des larmes qui devaient être là depuis 30 ans.
Parce que j’avais jamais fait le lien entre ma joie et ma tristesse.
Jusque-là, je poursuivais le bonheur mais principalement pour me détourner de la blessure. Oui, parfois je naviguais sur un bateau nommé joie, mais sur un océan de tristesse. C’était un stress permanent. Mes blagues, mes excès, mon addiction au travail : tout devait me maintenir à flot. À flot-riant.
J’avais peur que si je m’arrête, je me noie dans une tristesse infinie.
Gilligan m’a montré que je pouvais y nager.
Et heureusement que j’ai fait ce travail, parce que ça m’a préparé à la « vraie » rencontre avec ma tristesse. Une rencontre qui est arrivée cette année.
Mais avant de vous parler de cette dernière étape, j’aimerais faire un petit point sur ce qu’est la tristesse. Parce que souvent, à mon cabinet, je constate que les gens ne savent pas quoi en faire. Qu’ils en ont peur.
On craint qu’elle nous submerge, qu’on soit happé intégralement, qu’on n’en revienne pas. Ça vient en partie de notre manque de familiarité avec elle : plus on l’évite, moins on la connaît, plus on en a peur, plus on l’évite… bref. Une des premières réconciliations, c’est de la comprendre.
Parce que la tristesse a de nombreuses vertus :
Comme toutes les émotions, elle a une fonction adaptative : elle nous sert à « encoder » l’expérience pour pouvoir faire face aux prochaines situations de manière plus constructive et éviter la répétition d’expériences désagréables.
Elle nous ralentit… et c’est une excellente chose. Parce que ça nous aide à nous réguler. La tristesse, par son aspect introspectif, diminue l’agressivité et joue un rôle dans l’acceptation calme de la situation.
Elle est une étape cruciale du processus de deuil et développe notre résilience. La tristesse aide à reconnaître la perte comme irréversible, ce qui est une étape essentielle pour rétablir l’équilibre émotionnel et commencer le processus de reconstruction.
Elle a aussi une fonction sociale. Montrer sa tristesse déclenche souvent des réponses empathiques de la part de l’entourage. Ce soutien nous aide à alléger la souffrance et permet de la dépasser.
Bien, maintenant revenons à ma tristesse. À moi moi moi moi.
Je vous ai dit que je l’avais vraiment rencontrée cette année. Ça a été quand je me suis séparé de la femme avec qui je croyais faire ma vie. Dans un premier temps, j’ai essayé de fuir. J’ai bingé toutes les vidéos de McFly et Carlito (c’est dire à quel point j’allais mal), j’ai vu des ami·es, j’ai beaucoup travaillé. Je savais que j’étais en train d’éviter ma douleur, mais je me suis donné ce temps pour rassembler mes forces.
Puis un jour, devant la fenêtre de cet appart que je détestais parce que c’était l’appart de la rupture, j’ai craqué. J’ai pleuré des sanglots que j’avais jamais entendus. J’ai supplié, j’ai protesté, j’arrivais plus à reprendre mon souffle. J’ai pleuré et pleuré. Mais je suis resté présent.
Et quelque chose s’est calmé en moi.
Parce que j’ai humanisé ma tristesse. Je lui ai laissé avoir accès à moi, à ma présence. J’ai appris à être avec elle sans devenir elle.
Depuis, c’est bizarre mais… c’est presque joyeux d’être triste.
Comment apprivoiser votre tristesse ? C’est un grand sujet, mais je peux déjà vous partager 3 moyens :
Créez le cadre. Comme moi avec la musique, créez l’espace qui peut accueillir votre tristesse. Avec un ami, en marchant dans la montagne, devant un film… Je sais pas quelle sera votre porte d’entrée, mais choisissez quelque chose qui vous donne l’impression que votre cœur a trouvé plus grand que lui et qu’il peut s’abandonner dedans, en étant plein et soutenu.
Bornez dans le temps. Cette méthode me vient de Phil Stutz, un psychiatre américain qui a développé des outils à pratiquer tous les jours comme une « hygiène thérapeutique ». Il propose de mettre un chrono de 15 minutes, et d’y aller à fond : musique triste, pleurs devant des photos, cris. Soyez pppp*tain de triste. Et quand ça sonne, reprenez votre vie.
Entrez en contact. Quand la tristesse se manifeste dans votre journée, touchez l’endroit en vous où vous la sentez le plus. Perso, quand je suis triste, ça me fait comme un appel d’air dans la poitrine. Touchez, physiquement, la maison de la tristesse dans votre corps. Et souhaitez-lui la bienvenue. Cette partie-là de vous se sent probablement seule, apeurée, abandonnée. Offrez-lui votre présence.
Si vous souhaitez être accompagné·e pour apprivoiser vos émotions, c’est aussi un travail que nous pouvons faire ensemble à mon cabinet (ou avec tout·e autre thérapeute de confiance).
L’album Bleu Quintet de Paul Colomb, où cinq violoncelles se mêlent à de l’électro. L’album est pas triste en soi, mais comme J’ADORE ÊTRE TRISTE MAINTENANT, j’ai été particulièrement touché par les morceaux Lindar, Beloved, et Grassland.
Le morceau Electric Counterpoint, de Steve Reich avec Pat Metheny à la guitare. J’ai rencontré ce morceau pour la première fois en 2009, une période de ma vie où je me sentais infiniment seul. Toutoutoutoutoutou (je vous chante le début là, pfwow magnifique vous allez voir).
Vice Versa 2. Peux-être pas très original comme reco, mais super film. Non seulement c’est solide sur le plan des neurosciences, mais en plus métaphoriquement c’est très parlant : Anxiété, le nouveau personnage de ce volet, s’agite partout pour plaire… à Joie. Mmmoilà. Rendez triste votre anxiété, ça la calmera peut-être.